Si l'on remonte aux origines même du rugby, force est de constater que ce dernier était essentiellement réservé à la classe bourgeoise "blanche" européenne. Exporté à travers le globe principalement par les Anglais - à l'aide de leur empire colonial - le sport imaginé (du moins pour ses bases) par William Webb Ellis a finalement trouvé refuge en Afrique du Sud, où il y est couramment pratiqué depuis plusieurs décennies. Cependant, chez les voisins de la nation arc-en-ciel, ce sport semble peiner à trouver ses marques en Afrique sub-saharienne. En effet, galvaudé par la pratique traditionnelle du football, les fédérations ivoiriennes, sénégalaises ou encore camerounaises sont désespérées du manque cruel d'adhérents se traduisant par un intérêt quasi-nul et des investissements trop peu conséquents pour une réelle émancipation de ce sport en Afrique…
Alors, afin d'élucider un problème commun à nombre de pays africains, nous allons partir d'un cas précis, celui de la FECA rugby (Fédération Camerounaise de rugby). Pour ce faire, j'ai recueillis les propos de Royd Tchougong (LOU) - fils d'Arnauld Tchougong, ancien joueur du LOU et des Lions indomptables Camerounais - ainsi que ceux de Lilian Djomboue (Stade Aurillacois) formé à Drancy et passé par le Stade Français Paris.
Actuellement, sous la houlette de Sébastien Piqueronies (manager des équipes de France jeunes), la formation française tourne à plein régime. Alors, les joueurs à fort potentiel provenant des prolifiques cylindrées de TOP 14 ou Pro D2, tentent d'attirer les faveurs des sélectionneurs bleuets, afin d'intégrer l'antichambre si prisée du XV de France. Cependant, le nombre de places étant très limité, certains espoirs dotés d'une double nationalité française et d'un pays africain se voient partagés entre leur rêve de jouer pour le XV du coq et celui pourquoi pas, d'arborer les couleurs de leur différents pays d'origine…
Lilian Djomboue avec le Stade Français Paris
C'est effectivement le cas de nos deux espoirs qui, attirés par les joutes internationales, seraient tentés d'endosser le maillot de leur terre ancestrale. Mais l'utopie est coupée court ! Pourquoi ? Il n'existe pas de sélection jeune au Cameroun. A l'instar d'ailleurs de bon nombre de fédérations, la FECA rugby ne semble pas entrevoir sa réussite à travers celle de sa jeunesse. Mais Lilian Djomboue reste pragmatique sur le sujet en affirmant :
"Si le rugby africain se développe, les Français d'origines diverses se tourneront vers leurs pays d'origine."
Des propos largement appuyés par l'ex-joueur de Toulon Olivier Missoup qui, lors d'un interview accordé à Spot_afrique, laissa entendre que si croissance du rugby il y aurait en Afrique, bon nombre de personnes y prêteraient attention et que lorsqu'il y a production de richesse, les gens voient cela comme une aubaine et la chérisse.
Cependant, afin de produire cette richesse que pourrait devenir le rugby, la présence d'acteurs influents est indispensable. L'une des figures de proue de cette émergence du ballon ovale au Cameroun, n'est autre que Serge Betsen.
Si son intensité mise au plaquage était admirable, l'intensité dont celui-ci fait preuve afin d'aider la jeunesse du pays en difficulté n'en est pas moindre. En effet, fondateur de la Serge Betsen Academy, celui-ci participe à l'éducation et à la santé des jeunes camerounais avec pour arme principale : le rugby.
Source : Acturugby.fr Serge Betsen en intervention avec la Serge Betsen Academy.
De plus, si les Robin Tchale-Watchou ou Olivier Missoup viennent étoffer la liste, Serge Betsen apparaît comme le parfait exemple de la réussite d'un joueur d'origine camerounaise au niveau professionnel, une richesse déjà présente que ne se prive pas de mettre en exergue le lyonnais Royd Tchougong :
"Le nombre de joueurs d'origine camerounaise en activité sur le sol français est significatif du potentiel que détient le Cameroun pour ce sport."
Royd Tchougong avec le LOU
Aussi, on connait le caractère rugueux du jeu des Springboks, la spécialisation des Kenyans et Ougandais pour le VII. Alors, le rugby s'avère adéquat aux Africains qui sont dotés de capacités morphologiques qui ne sont plus à démontrer. De plus, les atouts athlétiques et musculaires des Lions indomptables pourraient permettre à la FECA rugby de se créer une identité de jeu forte, notamment grâce à l'apport de nombreux joueurs évoluant en Top 14 et Pro D2. Cependant, le peuple camerounais étant grandement attaché à la culture familiale, à la compétition ainsi qu'à la joie de vivre, Lilian Djomboue nous expose sa vision des choses quant aux étapes nécessaires au grandissement du rugby des nations africaines :
"Pour que le rugby s’impose en Afrique, il faudrait d’abord qu’il soit perçu comme quelque chose de festif pour charmer le plus d’adhérents possible puis basculer sur l’aspect compétitif et chercher à travailler sur l’identité rugbystique propre à chaque nation."
Royd Tchougong à la percussion.
La formation française que les deux protagonistes qualifient également de formation "d'excellence", voit ses rangs se garnir de plus en plus de potentiels aux origines diverses et variées, avides de haut niveau, qui intègrent au fil des années, les équipes professionnelles. Alors, le pilier du club de l'Auvergne-Rhône-Alpes voit en cette quantité de joueurs (dont il fait partie), un potentiel incroyable qui devrait prochainement amener à la création de sélection de jeunes au sein de ces fédérations afin de les voir intégrer le plus haut niveau international. Une certitude pour Lilian Djomboue qui soudain s'emporte :
"Ce serait pour moi un immense honneur que de jouer pour mes couleurs d'origines, la terre de mes ancêtres, ma Terre !"
Lilian Djomboue face au MHR
Des paroles euphoriques qui viennent clôturer cette ébauche de la plus enthousiaste des manières et qui, in fine laissent entrevoir l'espoir de l'avènement de ces nations sur la scène internationale. A condition bien-sûr, qu'une prise de conscience naisse au sein de fédérations possédant de jeunes générations prêtes à en découdre pour leur terre d'origine…
Rugbystiquement'votre
MA
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